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Procès des attentats du 13 novembre: dans le box, les accusés exercent leur droit au silence

Quel rôle ont-ils joué dans la préparation des attaques ? Qui était avec eux ? Au procès du 13-Novembre, la cour a fait face jeudi à un mur de silence, deux accusés exerçant leur droit de se taire.

Les débats, entamés il y a plus de six mois, s'approchent cahin-caha de cette soirée funeste du 13 novembre 2015, et les explications des hommes dans le box se font de moins en moins nombreuses. Au quatre-vingt-quatorzième jour du procès, la cour d'assises spéciale de Paris avait prévu d'interroger le Suédois Osama Krayem et le Tunisien Sofien Ayari sur leur périple en Europe à leur retour de Syrie.

Les deux hommes avaient été convoyés de l'Allemagne à Bruxelles par Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos jihadistes. Ils ont partagé les mêmes "planques" en Belgique lors des quelques semaines précédant les attaques.

La cour "aurait aimé" connaître leur "activité" dans ces caches. Ont-ils côtoyé les kamikazes du 13-Novembre ? Ont-ils participé à la fabrication des ceintures explosives ?
 Mais elle n'a pu que constater "le droit le plus absolu" des deux accusés d'exercer le refus de s'expliquer.

Ce que je vais dire, ça ne changera rien du tout

Celui d'Osama Krayem, longs cheveux noirs, n'est pas une surprise. Visé par une enquête pour crimes de guerre en Suède, il dénonce depuis de longues semaines un procès "illusoire", et n'a comparu qu'à de rares reprises à l'audience depuis novembre.

Silencieux pendant l'enquête, Sofien Ayari avait lui commencé à s'expliquer devant la cour, malgré des réserves. Le 8 février, lors de son premier interrogatoire sur le fond du dossier, il avait "assumé" son passé de combattant au sein de l'État islamique.

Ces quelques réponses, avait-il dit, il les devait à la mère d'une victime des attentats dont le témoignage l'avait particulièrement touché.

Sa "position aujourd'hui", c'est de ne plus "répondre aux questions", explique le Tunisien, pull gris clair, masque chirurgical sur le visage, semblant presque s'excuser de "décevoir certains". "Ce que je vais dire, ça ne changera rien du tout, (...) ça va être juste une version de plus", ajoute Sofien Ayari.

Pour des gens comme moi, l'espoir c'est dangereux

Le président de la cour, Jean-Louis Périès, insiste mollement: "Cela peut être dans votre intérêt de répondre. Si vous changez d'avis, faites-le moi savoir". L'un des avocats de Sofien Ayari, Me Isa Gultaslar, tente à son tour: "Pourquoi c'est difficile pour vous de répondre ?" "Parfois quand on explique certaines choses, ça peut être perçu comme si on se plaint", lui répond l'accusé.

Il rappelle qu'il a "déjà été condamné à 20 ans" de prison en Belgique, avec Salah Abdeslam, pour une fusillade avec des policiers en mars 2016 à Bruxelles, au moment de leur interpellation. Qu'il "risque la perpétuité" au procès du 13-Novembre. Et qu'à l'issue de cette audience, il sera jugé en Belgique pour les attentats de Bruxelles.

"Ce sera les mêmes questions, les mêmes thèmes, avec les mêmes personnes, sur les mêmes faits, le même procès".

Avant de se rasseoir, Sofien Ayari conclut: "Je vais me défendre pendant deux ans comme un acharné pour au final ramasser 80 ans derrière. Pour des gens comme moi, l'espoir c'est dangereux".

Cet "acharnement" vain à se défendre avait déjà été avancé fin janvier par un autre accusé, le Belgo-Marocain Mohamed Bakkali, pour expliquer son refus de s'exprimer sur les faits.

Condamné à 25 ans de réclusion dans le dossier de l'attentat déjoué du Thalys, alors qu'il s'y était défendu bec et ongles -il a fait appel-, il était apparu bien moins combatif au procès du 13-Novembre, expliquant fin janvier ne "plus avoir la force de (se) battre".

Le deuxième interrogatoire de Mohamed Bakkali est prévu le mardi 22 mars. Il a déjà laissé entendre qu'il se tairait à nouveau.

Depuis qu'elle a commencé à décortiquer la logistique entourant les attentats de Paris et Saint-Denis, avant de se consacrer fin mars aux ultimes préparatifs, la cour bute sur des silences. Bien qu'il ait été plus prolixe, mardi et mercredi, le principal accusé Salah Abdeslam s'est souvent contenté de "no comment" face aux nombreuses questions sur son rôle précis.

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