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En mal de main-d'oeuvre saisonnière, la Grèce assouplit ses frontières

"Sans les Albanais, nous n'aurions pas un seul pêcher": la récolte des fruits a commencé à Véria, dans le nord de la Grèce, mais les agriculteurs manquent cruellement de main-d'oeuvre cette saison, après la fermeture des frontières pour cause de coronavirus.

Dans la ferme de Panagiotis Gountis, près de Véria, six Albanais, juchés sur des échelles sous un soleil brûlant, ramassent les pêches.

"En temps normal, il y en a une vingtaine chaque année sur notre exploitation", explique l'exploitant à l'AFP.

La fermeture des frontières pour enrayer la propagation du nouveau coronavirus prive la Grèce de milliers de cueilleurs saisonniers qui viennent depuis trois décennies en majorité de l'Albanie voisine.

Les autorités grecques ne peuvent fournir de chiffre exact, précisant que la main-d'oeuvre étrangère entre souvent dans le pays avec un visa touristique et travaille illégalement dans les vergers.

Quelque 15.000 personnes, en majorité des Albanais, travaillent d'habitude dans les exploitations des départements de Pella et Imathia, selon Antonis Markovitis, dirigeant d'une fédération de 500 producteurs.

- "Danger imminent" -

En avril, en plein confinement, des députés de la majorité conservatrice du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis ont alerté du "danger imminent" pour les récoltes.

Face à la pénurie de travailleurs saisonniers, le ministère grec de l'Agriculture a lancé le 1er mai "un plan" d'assouplissement des restrictions frontalières décidées pendant la pandémie, pour faciliter l'entrée en Grèce de main-d'oeuvre étrangère.

Quelque 90 Albanais ont traversé la frontière cette semaine, a rapporté Christos Yannakakis, président de la fédération des producteurs de poires et de fruits à noyaux (abricots, cerises, prunes et pêches).

A Tirana, on estime qu'entre 7.000 et 10.000 travailleurs pourraient participer au plan grec.

Selon les nouvelles règles, les producteurs grecs peuvent faire appel à la main-d'oeuvre des pays voisins à condition de prévoir une quarantaine de deux semaines et de dépister les arrivants au coronavirus.

Pavlos Satolias, patron de la confédération des agriculteurs (Paseges), souligne "la nécessité urgente" de renforts pour sauvegarder fruitiers, vignobles et champs de légumes. Une bonne partie de la production d'asperges de cette année a déjà été perdue, souligne-t-il.

"Il est difficile de croire qu'avec un taux de chômage à 20% dans notre région, on piusse manquer de main-d'oeuvre", relève Antonis Markovitis.

La Grèce enregistre le plus haut taux de chômage de la zone euro (16%) mais peu de Grecs travaillent dans les fermes. Selon des chiffres officiels, environ 8.400 chômeurs grecs se sont portés candidats pour un travail agricole en mars contre plus de 9.500 pour la même période l'année dernière.

- Sans papiers -

Face à la pénurie, peu ont pensé à recourir aux quelque 120.000 demandeurs d'asile vivant dans des conditions misérables à travers le pays.

Philippe Leclerc, représentant en Grèce du Haut commissariat aux réfugiés (HCR), a pourtant appelé le gouvernement à réfléchir "à leur intégration" et à "la possibilité qu'ils gagnent leur vie".

Interrogé sur le sujet, le ministère grec de l'Agriculture s'est montré réticent à faire travailler des sans-papiers. Selon une source ministérielle, la majorité des migrants régularisés "ne conviennent pas" à ce type de travail et "n'ont pas exprimé d'intérêt particulier".

Depuis des années, les producteurs "ne cessent de demander des permis temporaires de travail (...) comme çà (les migrants) ne seraient pas illégaux, mais rien n'y fait", a fustigé Pavlos Satolias.

"Apprendre à ramasser la laitue ne prend que deux jours, ce n'est pas comme le pilotage d'un avion", assène ce syndicaliste.

Mais les travailleurs clandestins, particulièrement les migrants, peuvent être victimes d'exploitation et de xénophobie en Grèce.

En 2017, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Grèce dans l'affaire dite "des fraises sanglantes de Manolada": des dizaines de Bangladais avaient été blessés en 2013 par des coups de fusil tirés par leurs chefs, sur une exploitation de fraises du Péloponnèse. Ils réclamaient d'être payés.

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