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Coronavirus: "Dans l'Histoire humaine, nous n'avons jamais connu une crise économique de cette ampleur"

Philippe Donnay, commissaire au plan était l'invité de la rédaction de Bel RTL. Il revenait sur la situation économique en Belgique liée à la pandémie sur coronavirus.

Fabrice Grosfilley: Est-ce qu'on a vraiment conscience de ce qui va nous arriver sur un plan économique ou pas encore?

Philippe Donnay: Dans les indicateurs de confiance, que ce soit les entreprises ou les consommateurs, on voit vraiment que la crise est là. Maintenant, dans la perception de tous les jours des gens, je pense que probablement pas, parce que les autorités publiques ont pris des mesures pour soutenir la liquidité des entreprises dans un premier temps, mais aussi la liquidité des ménages. Cela veut dire, tout ce qui, comme le droit passerelle et le chômage temporaire, ont été étendus de manière historique dans ce pays, ont joué les amortisseurs sur la situation des ménages. Cela ne veut pas dire que l'ensemble de la population a été protégé, et qu'il n'y a pas des trous. Cela veut dire que de manière macroéconomique, on ne voit pas de problème au niveau des ménages.

Fabrice Grosfilley: Cela veut dire que la crise est là, mais qu'on en ait pas encore sorti, parce qu'on a eu ce matelas qui est le chômage temporaire et les primes qui ont été distribuées par les différentes autorités. Cela nous installe peut-être dans une perception faussée de ce qu'on est en train de vivre?

Philippe Donnay: Tout à fait. Parce que maintenant, il va falloir voir si cet été ou en septembre et octobre, nous n'allons pas nous retrouver face à une vague majeure de faillites. Vous aurez remarqué qu'au tout début de la crise, le gouvernement a décidé d'un moratoire sur les faillites. Ce moratoire est arrivé à échéance.

Fabrice Grosfilley: Les dernières prévisions de la commission européenne font état en Belgique d'un recul du PIB (produit intérieur brut) de 8,8% pour 2020. L'institut IRES (Institut de recherches économiques et sociales) qui dépend de l'UCLouvain avance un recul de 9,9 %, donc c'est presque 10% du PIB, cela veut dire quoi concrètement?

Philippe Donnay: Cela veut dire que 1 euro produit sur 10 l'année passée a disparu en terme de production.

Fabrice Grosfilley: Notre richesse recule d'un dixième?

Philippe Donnay: Oui, durant la crise, au moment du "lockdown", nous avons estimé que un tiers de l'économie privée était fermée. C'est vraiment historique.

Fabrice Grosfilley: Cela veut dire que un tiers de l'économie n'a pas marché pendant la crise?

Philippe Donnay: Exactement.

Fabrice Grosfilley: Avons-nous sous-estimé au départ dans les prévisions l'ampleur de la crise et s'il y a une seconde vague, est-ce que cela sera encore pire?

Philippe Donnay: Pour la première partie de votre question: effectivement. Oui, parce que l'ampleur de la crise est inconnue pour des modélisateurs modernes, parce que dans l'Histoire humaine, en temps de paix, nous n'avons jamais connu une crise de telle ampleur. La crise de 1929, est une crise d'une nature différente. Ici, on a été devant une crise sanitaire, soit complètement extérieure à ces décisions rationnelles ou irrationnelles, qui nous arrivent. Les autorités se sont retrouvées face à un virus dont on ne connaissait absolument pas les caractéristiques. Les autorités ont décidé de fermer une partie de l'économie pour éviter la dispersion de ce virus.

Fabrice Grosfilley: C'est la pire crise qu'on ait jamais connu dans l'ère moderne?

Philippe Donnay: Exactement.

Fabrice Grosfilley: Si on est essaye d'être concret et qu'on perd 10% de notre PIB, cela veut dire qu'on va perdre combien d'emplois?

Philippe Donnay: On est sur un scénario entre 150.000 et 180.000 pour la fin 2021.

Fabrice Grosfilley: Cela veut dire qu'une partie des gens qui sont aujourd'hui en chômage temporaire vont se retrouver en chômage définitif?

Philippe Donnay: Tout à fait. On a un certain nombre de secteurs qui sont fragilisés par la crise et qui l'étaient déjà avant. Il va y avoir une vague de faillites ou des plans de licenciements. On les voit déjà, comme chez Brussels Airlines ou Airbus, qui annoncent des plans de restructuration massifs pour essayer de survivre.

Fabrice Grosfilley: Il faudra combien de temps pour revenir à la situation initiale?

Philippe Donnay: Au minimum 5 ans.

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