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Mots doux et barrage anti-fusion: offensives tous azimuts dans le duel Suez-Veolia

L'heure n'est plus aux fleurets mouchetés: le PDG de Veolia, qui cherche à mettre la main sur Suez, a qualifié jeudi de "pitoyable" la décision de son rival de créer un dispositif juridique compliquant fortement toute cession de sa branche Eau française.

Les deux frères ennemis du traitement de l'eau s'affrontent sur le terrain des mots, de la communication ou du droit.

Car le 30 septembre expire l'offre faite par Veolia à Engie de lui racheter, pour 2,9 milliards d'euros, ses 29,9% d'actions dans Suez. Suez, qui refuse d'être absorbé, demande du temps pour pouvoir présenter une contre-offre.

C'est dans ce contexte tendu que les dirigeants de Suez ont annoncé par surprise la création d'une fondation de droit néerlandais, dotée d'une seule action de son activité Eau France et destinée à rendre impossible pendant quatre ans toute cession sans accord des actionnaires.

L'eau, métier historique de Suez, est au cœur de la bataille, Veolia prévoyant, dans son projet de fusion, de céder la branche française pour répondre à la législation de la concurrence.

Suez a pris soin d'ajouter une clause: en cas de changement de contrôle du groupe, la fondation, dirigée par trois personnes, dont un représentant du personnel, devra autoriser une cession de l'eau.

Cette fondation en forme de "cadenas" n'empêche pas Veolia de mener une OPA, souligne-t-on à Suez, mais il lui faudra, pour répondre aux obligations anti-trust, vendre plutôt ses actifs à lui que l'eau du concurrent.

- "Coup fourré" -

C'est une "dernière manœuvre un peu pitoyable de désertion et de transfert à l'étranger de l'activité Eau France", a réagi sur BFM Business le PDG de Veolia Antoine Frérot, qui a rencontré jeudi après-midi le président d'Engie Jean-Pierre Clamadieu pour "analyser" la situation.

"Ce coup fourré n'est pas de nature à me décourager", a-t-il encore dit.

"L'activité Eau France de Suez et ses missions de service public restent (...) bien localisées en France, avec de surcroît l'étude d'un projet visant à ouvrir le capital de Suez Eau France à ses salariés", a répondu Suez dans la soirée dans un communiqué.

Avant cela, le groupe avait saisi l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour contester la structure en deux étapes de l'offre de Veolia. Jeudi soir, l'AMF n'a pas donné raison à Suez, qui a annoncé dans la foulée qu'il déposerait un recours devant la Cour d'Appel de Paris.

"Une opération de changement de contrôle telle qu’annoncée et proposée par Veolia devrait être structurée sous forme d’une offre publique ouverte à tous les actionnaires", estime le groupe dans un communiqué.

Alors que le patron de Veolia veut construire un "super champion" du secteur grâce à une OPA sur son rival de toujours, Suez se débat, mettant en avant des risques pour la concurrence et l'emploi et vantant son potentiel de création de richesse en tant que groupe indépendant.

"Ce démantèlement, c'est comme si quelqu'un se présentait comme votre ami, entrait subitement chez vous. La porte a été ouverte par un des propriétaires et il s'installe pour vendre un par un les précieux meubles que votre grand-mère vous a légués", a dénoncé le président du groupe Philippe Varin devant les députés mercredi.

La direction de Suez est soutenue par l'intersyndicale, très remontée contre le projet et qui organise mardi une 3e journée de mobilisation.

Veolia s'est offert une tribune pour s'adresser directement aux salariés de son concurrent, jeudi dans les journaux nationaux, avant la presse régionale vendredi.

"Mon premier engagement est de préserver l'ensemble de vos emplois", leur écrit le PDG, promettant aussi de "céder le moins d'actifs possible".

Jeudi, le fonds Ciam ("entre 0,1% et 1%" de l'actionnariat de Suez, selon ses termes) a de son côté écrit à M. Varin pour dénoncer avec la création de la fondation "une violation inadmissible des droits des actionnaires".

Engie, qui souhaite vendre ses parts dans Suez pour se recentrer sur ses activités énergétiques, est au centre du jeu. Le géant de l'énergie, dont l'actionnaire principal est l'État, tient vendredi soir un conseil d'administration.

Selon les Échos, la société, agacée par la démarche de Suez, a adressé jeudi une lettre à M. Varin, lui demandant de convoquer une assemblée générale pour recueillir l'approbation de tous les actionnaires avant de créer une fondation. Interrogé par l'AFP, le groupe n'a pas souhaité faire de commentaire.

Engie avait la semaine dernière demandé à Veolia d'améliorer son offre. "Toutes les options sont possibles", a affirmé jeudi M. Frérot.

Le président d'Engie sera entendu mardi matin par les députés, qui ont créé un groupe de travail sur ce projet de fusion. Avant de tenir encore un nouveau conseil d'administration mardi après-midi.

Dans ce tumulte, le gouvernement, qui par la voix de Jean Castex avait d'abord eu des commentaires positifs sur le projet de Veolia, garde de son côté le silence depuis plusieurs jours.

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