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La pandémie éteint la flamme de Cali, épicentre de la salsa colombienne

Cali était une fête. La salsa faisait vibrer les discothèques, les concerts, les écoles de danse, sur les places... Mais la pandémie de covid-19 a imposé le silence et coulé le secteur emblématique de cette ville de Colombie.

"C'est tellement triste de voir tant de lieux fermés. La flamme de Cali s'est éteinte", regrette la danseuse Angie Osorio, qui a partagé la scène avec des artistes célèbres tels Jennifer Lopez et Marc Anthony.

La salsa de Cali ou "caleña" est une référence mondiale. Des touristes venaient de toute la planète pour l'écouter ou apprendre à danser selon le style local: frénétique, sensuel, acrobatique et l'un des plus connus avec les styles cubain et porto-ricain.

De la bande son, qui animait cette ville tropicale de plus de deux millions d'habitants, vivaient des musiciens, danseurs, professeurs, couturiers, chausseurs, maquilleurs, scénographes, imprésarios... et indirectement d'autres secteurs tels que la restauration et l'hôtellerie.

"C'est une ville qui bouge au rythme de la salsa les sept jours de la semaine (...) C'est une forme de vie, une expression culturelle très ancrée", a expliqué à l'AFP Adriana Olarte, directrice du Festival mondial de salsa, qui rassemblait plus de 4.000 artistes chaque année.

- Danser via internet -

Après avoir détecté le premier cas de nouveau coronavirus en mars, la Colombie a décrété l'urgence sanitaire, restreint les contacts physiques, interdit les fêtes.

L'éco-système de la salsa a été mis échec et mat. Au bout de sept mois de restrictions, Cali peine à se remettre en piste.

Dans les années 1980-90, c'était l'une des villes les plus dangereuses du monde: trafic de drogue, guérillas, attentats à la bombe, enlèvements...

Avec la chute des grands cartels de narcos, puis la signature en 2016 de l'accord de paix avec la puissante guérilla des Farc, la voie du tourisme s'est dégagée.

Selon les chiffres officiels, Cali compte 127 académies de salsa, 3.263 danseurs, 319 chorégraphes, 257 instructeurs, 6.506 étudiants, 91 orchestres et 97 "salsotecas" (discothèques spécialisées).

Nhora Tovar dirige Arrebato Caleño, l'une des écoles les plus importantes qui a fermé son studio en mars.

"Notre travail implique un contact physique permanent avec l'autre pour lui apprendre à danser", explique-t-elle, déplorant l'absence "de ressources économiques pour maintenir les salaires" du personnel.

Une campagne de dons et des cours virtuels ont alors été lancés pour soulager les familles qui vivent de l'école et "rester à flot".

- Des costumes aux masques -

Proche de l'océan Pacifique, Cali est le chef-lieu du Valle del Cauca, département comptant la plus importante population noire de Colombie (647.527 personnes).

Métissée de musiques cubaine, porto-ricaine et new-yorkaise, la salsa y a créé son style propre.

Des orchestres comme Grupo Niche, nominé au Grammy Latino (2020), ont fait résonner cette saveur caleña aux oreilles du monde et elle a accumulé les récompenses dans les concours internationaux.

Pour Marta Perdomo, "50% d'une représentation" de salsa se joue sur le costume.

Il doit "être très expressif, brillant pour attirer l'attention, avec de beaux volants. Autrement dit, le costume doit danser avec le danseur", souligne cette couturière âgée de 60 ans qui, avant la pandémie, travaillait pour une dizaine d'écoles.

Les danseurs étant au chômage, ses commandes ont chuté.

"C'est très dur (...) de me retrouver d'un jour à l'autre sans travail stable (...) et en être réduite à fabriquer des masques", regrette-t-elle.

- Pieds et bras croisés -

Des couples de tous les âges fréquentaient les pittoresques discothèques de salsa de Cali.

Mais les restrictions contre la propagation du virus ont eu raison de l'ambiance de fête: danser a été interdit, l'affluence limitée à 30% et la musique se tait à 01H00 du matin.

De nombreux événements ont été annulés et les deux plus importants sont déclinés en version virtuelle.

Le Festival mondial de la salsa s'est ainsi tenu en octobre avec la participation de quelque 120.000 internautes. Et la traditionnelle foire de Cali, qui a généré 109 millions de dollars en 2018, aura lieu en décembre via le web, mais a priori sans le salsodrome, son fameux défilé d'inauguration.

"Tout s'est paralysé et nous nous retrouvons tous les bras croisés", déplore Miguel Oviedo, 70 ans, qui fabrique des souliers depuis l'âge de 12 ans.

Il a grandi "avec la musique" et appris à danser en imitant les pas de ses aînés. Mais, à cause du virus, il ne survit plus que grâce à l'argent que lui envoie son fils des Etats-Unis.

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