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L'Allemagne défend "l'héritage" remis en cause du procès de Nuremberg

L'"héritage" du procès de Nuremberg doit être défendu: le président allemand a commémoré vendredi le 75e anniversaire de cet acte de naissance de la justice internationale en regrettant le recul de l'engagement américain en la matière.

Pandémie oblige, cette cérémonie s'est tenue sans public dans la salle d'audience 600 du tribunal, là même où ont été jugés à partir du 20 novembre 1945 Hermann Göring, ancien numéro 2 du régime, Joachim von Ribbentrop ou encore Rudolf Hess, ancien adjoint d'Adolf Hitler.

"Pendant qu'à l'extérieur les décombres étaient déblayés, les quatre puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale ont jeté dans cette salle les bases de l'ordre juridique d'un nouveau monde", a déclaré le président de la République fédérale, Frank-Walter Steinmeier, autorité morale très respectée en Allemagne.

Sur le bancs des accusés, se tenaient il y a 75 ans les plus hauts responsables nazis encore vivants après les suicides d'Hitler, de Joseph Goebbels et Heinrich Himmler.

- "Promesses" non tenues -

Ville bavaroise en grande partie détruite par les bombardements, Nuremberg, située en zone d'occupation américaine, était un des symboles du nazisme où Hitler tenait de grands rassemblements et où ont été promulguées en 1935 les lois anti-juives.

Ce procès, ouvert six mois à peine après la fin des hostilités et qui a duré près d'un an, a marqué l'acte de naissance de la justice internationale, prolongée des décennies plus tard par la création de tribunaux pour juger des génocidaires rwandais ou des criminels de guerre d'ex-Yougoslavie, puis par la mise en place de la Cour pénale internationale (CPI).

M. Steinmeier s'en est plus particulièrement pris aux Etats-Unis, exprimant son espoir que cette "nation qui a accompagné notre pays pendant des décennies sur le chemin de la démocratie et de l'État de droit revienne maintenant à une coopération qui reconnaisse la valeur de la justice pénale internationale".

A Nuremberg, les accusés, plaidant "non coupable", devaient répondre "des crimes les plus graves que l'histoire mondiale ait jamais connus: déclenchement d'une guerre d'agression, crimes de guerre et crimes contre l'humanité", une première, a fait valoir le chef de l'Etat.

La projection d'un film tourné par les Alliés et les témoignages de survivants des camps nazis y ont révélé l'ampleur des crimes du IIIe Reich.

Le verdict tombe le 1er octobre 1946, douze condamnations à mort sont prononcées.

Les "promesses" de ce procès n'ont cependant pas toutes été "tenues", a regretté M. Steinmeier.

- Sanctions économiques -

"Le système de justice pénale internationale est de plus en plus soumis à des défis, y compris ici en Europe", a-t-il résumé, déplorant que deux des vainqueurs de Second conflit mondial, "les Etats-Unis et la Russie n'aient pas adhéré à la Cour pénale internationale, pas plus que la Chine, l'Inde et quelques dizaines d'autres pays".

L'administration de Donald Trump est allée jusqu'à imposer des sanctions économiques en septembre à la procureure de la CPI, une des bêtes noires des conservateurs américains. Elle reprochait à Fatou Bensouda de vouloir poursuivre des militaires américains impliqués dans le conflit en Afghanistan.

Malgré ses imperfections, le système de justice pénal international hérité de Nuremberg doit continuer, a martelé M. Steinmeier, à "punir les crimes les plus graves".

"Sans Nuremberg, les seigneurs de guerre de Serbie, de Croatie ou du Rwanda n'auraient pas été punis pour les meurtres de masse, les tortures et viols", a-t-il souligné.

L'héritage de Nuremberg permet aussi de poursuivre actuellement en Allemagne pour "crimes contre l'humanité" d'anciens agents du régime de Bachar al-Assad soupçonnés de tortures dans des geôles ou des membres du groupe Etat islamique qui ont réduit en esclavage des membres de la minorité Yazidie, a estimé le président allemand.

"Ce n'est pas le seul concert des puissants, mais le renforcement du droit dans les relations internationales qui crée les bases d'un ordre supranational dont le monde a besoin, et continue désespérément d'avoir besoin", a conclu M. Steinmeier, déterminé à défendre "l'héritage de Nuremberg".

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