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Pilote d'avion, il devait partir vivre en Lettonie avec sa famille: mais le coronavirus a tout fait voler en éclat

Eric, ancien pilote d'avion à l'armée reconverti en pilote de ligne a été licencié par sa compagnie en pleine crise sanitaire. Il a troqué son uniforme d'aviateur pour un tablier de cuisinier, exerçant ce métier dans un restaurant pendant 5 mois en tant qu'indépendant-complémentaire. Avant que le confinement ne lui retire aussi ce boulot et qu'il apprenne qu'il n'a pas accès au droit passerelle.

"Il y a une multitude de personnes oubliées par le gouvernement." Éric (prénom d'emprunt car il veut garder l'anonymat), 46 ans, nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous car il s'estime oublié du système des aides mis en place par les autorités durant cette crise sanitaire. Son histoire n'est pas banale.

Une nouvelle vie

Éric, habitant de la province de Liège, est le papa de 4 enfants. Ce militaire de formation a exercé dans l'armée durant 26 ans en tant que pilote d'avion. En 2017, la Défense décide de le mettre à la retraite anticipée, lui comme des dizaines d'autres. "Je ne me plains pas, ils m'ont pensionné mais je me trouvais encore jeune." Le père de famille retrouve un emploi dans l'aviation civile dès l'année suivante en 2018. Il travaille pour AirBaltic, une compagnie aérienne basée en Lettonie, pays balte voisin de la Russie. Fin 2019, quelques mois avant que la crise sanitaire n'éclate chez nous, Éric est fatigué des allers et retours entre la Belgique et la Lettonie. La famille décide de tout quitter en Belgique pour aller s'installer en Lettonie. Une date est fixée : juin 2020.

On a deux petits bouts, de 5 et 7 ans, une fille de 16 ans, une de 19 ans. C'était assez catastrophique

Une famille sur le départ

La famille entame toutes les démarches nécessaires pour quitter la Belgique : son épouse annonce sa démission, la maison est vendue ainsi que le mobilier, etc. Tout cela, c'est sans compter sur une pandémie du nom de Covid-19. Mars 2020, comme un tsunami le coronavirus touche un à un tous les pays du monde. Partout, les frontières se ferment, les avions sont cloués au sol.

La compagnie AirBaltic est obligée de se séparer de nombreux collaborateurs et Éric en fait les frais: "En Lettonie, mi-mars on ne parlait pas encore de confinement, on savait que le Covid existait en Chine car on volait régulièrement dans ces pays-là, mais ce n'était pas si grave. Quand j'ai pris mon vol un dimanche matin pour arriver à Zaventem, et que je me suis rendu compte de l'ampleur de la situation en Belgique... Je croyais débarquer dans un autre monde. Le lundi matin, on était nombreux à être remerciés", se souvient Éric.

Une pension jugée insuffisante

Tous les plans de la famille s'effondrent. Éric se voyait vivre avec les siens en Lettonie dès juin, le voilà sans emploi en Belgique au mois de mars. La maison est déjà vendue. Son épouse, elle, preste son préavis et impossible de faire marche arrière. Pas le temps de se lamenter, l'ancien militaire retrouve une maison à louer. L'objectif suivant, en pleine crise, est de retrouver un emploi. "On a deux petits bouts, de 5 et 7 ans, une fille de 16 ans, une de 19 ans. C'était assez catastrophique."

Contrairement à d'autres, Éric peut toujours compter sur sa pension de l'armée. "C'est une pension confortable si vous avez 65 ans, que votre maison est payée et que votre carrière est faite. Mais quand vous êtes dans la vie active, que vous avez des charges, ce n'est pas suffisant", estime-t-il.

Un statut d'indépendant complémentaire pour travailler et toucher sa pension de l'armée

Alors, peu avant la réouverture de l'Horeca en juin dernier, Éric trouve un emploi comme cuisinier "pour nourrir ma famille et payer mes charges", dit-il. Le quinquagénaire travaille sous le statut d'indépendant complémentaire, seul option pour pouvoir travailler et toujours bénéficier de sa pension de l'armée. Mais quelques mois plus tard, une nouvelle fois les restaurants sont obligés de fermer leurs portes et Éric est contraint de plier son tablier.

Pas de droit passerelle

L'homme pense pouvoir bénéficier du droit passerelle et se tourne vers Acerta, sa caisse d'assurances sociales. Mais elle l'informe que les indépendants à titre complémentaire ne peuvent bénéficier que d’un demi-droit passerelle et seulement s'ils exerçaient déjà une activité indépendante en 2017 * avec un revenu annuel situé entre 6.996 euros et 13.993 euros. Ce n'est pas le cas d'Eric qui travaillait encore à l'époque à l'armée. Tout ce qu'il peut espérer, c'est recevoir en 2022 un droit passerelle pour ses 5 mois d'indépendant complémentaire en 2020. "Mais c'est maintenant que je dois faire manger ma famille, pas en 2022" répond Eric.

Joint par notre rédaction, Acerta rappelle qu'un indépendant complémentaire dispose d'un revenu principal : "Nous ne devons pas perdre de vue que ce groupe ne paie "que" une cotisation sociale comprise entre 0 euro et 369,52 euros. Leur revenu principal provient de leur activité salariée (NDLR: pension pour Éric) et l’activité complémentaire ne génère qu'un revenu limité. Cela justifie le fait que ce groupe ne bénéficie d'aucun avantage du statut social comme indépendant. En effet, leur sécurité sociale provient de leur activité principale."

Eric reconnait volontiers que certains citoyens "sont dans des situations pires" tout en répétant que sa situation est très difficile.

* Pourquoi se baser sur 2017 pour le demi droit passerelle ? Parce qu'il faut au moins deux ans pour savoir ce qu'a réellement gagné un indépendant cette année-là et donc ce qu'il a effectivement payé comme cotisations sociales.

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