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"C'est quasiment du vol": Laurent est remonté contre sa banque qui lui facture 50 cents dès qu'il utilise un autre distributeur de billets

Secteur en pleine mutation numérique, le monde bancaire ne cesse de revoir sa stratégie à destination du grand public. Entre le gratuit et le payant, il faut trouver un équilibre car l'argent ne rapporte plus autant qu'avant. Même si ça semble une maigre source de revenu, et même si ça irrite beaucoup de gens, certaines banques ont décidé, pour les clients sans abonnement payant, de leur facturer le retrait d'argent liquide. Explications.

Le sujet est sensible, et c'est normal: quand des services ont longtemps été 'offerts' à des clients, le fait de les rendre payant du jour au lendemain, ça passe mal. Mais le monde évolue, il se numérise à pratiquement tous les niveaux, et les entreprises doivent s'adapter.

Un secteur est particulièrement touché: celui des finances. Se rendre dans l'agence bancaire du coin pour donner ses virements papiers avec l'employé qu'on connait ou imprimer ses extraits de banque, c'est de l'histoire ancienne. Tout se fait avec un pouce et un téléphone. Même constat pour les investissements: le banquier n'est plus cet indispensable intermédiaire entre le particulier et le monde boursier, il existe des solutions numériques plus avantageuses (voir notre récent dossier). Ajoutez à cela le fait que les comptes épargne des particuliers ne rapportent plus rien aux banques mais au contraire, leur coûtent de l'argent (explications), et vous avez un modèle économique qui vacille, qui doit repenser ses fondations.

Cela passe, entre autres, par une refonte des services fournis aux clients particuliers. Les agences sont désormais réservées aux conseils, investissements, achats de produits financiers ou d'assurance. Le reste se fait en ligne, et ça irrite les clients les moins à l'aise avec les nouvelles technologies (ou les moins équipés). Un autre changement provoque la colère de certains clients: des frais de retrait d'argent aux distributeurs, en Belgique. Pour Laurent, "c'est quasiment du vol", nous a-t-il confié après avoir contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous.

On me retire 50 centimes à chaque retrait

Client depuis 3 ans, il envoie un email quand il remarque des frais de retrait d'argent

Laurent a 37 ans et habite Gedinne (Namur). "Je suis client chez Crelan depuis près de trois ans. J'ai du passé chez eux car j'ai eu des ennuis financiers. Une maladie m'a fait perdre mon travail, je n'ai pas su rembourser mes crédits chez Belfius, la banque m'a bloqué. Du coup j'ai du changer de banque, et je suis passé chez Crelan".

Notre témoin était plus neutre face à cette banque, estimant que le service clientèle n'est pas à la hauteur, que les clients "ne sont que des numéros de dossiers". Il y un compte "gratuit, ouvert par internet".

Mais dernièrement, raison pour laquelle il nous a contactés, "j'ai remarqué qu'on me retirait 50 centimes à chaque retrait sur un distributeur autre que ceux des agences Crelan. Or il n'y en a pratiquement pas, en intérieur ou extérieur. Il décide de contacter sa banque par email, et reçoit une réponse plutôt standard, expliquant la situation (la banque a changé sa politique de frais de retrait, voir plus bas). "Il m'écrive même que si je ne suis pas content, je peux changer de banque. Merci ! Bonjour la confiance !" :

 

"Dans le monde lequel on vit, il faut du liquide"

Même si les paiements par carte et sans contact ont fortement progressé en 2020 (pandémie oblige), l'argent liquide reste important pour Laurent. "Dans le monde dans lequel on vit, parfois il faut faire des achats en liquide. Si mon fils veut aller à la fête foraine, et pour plein d'autres choses, il faut du liquide. Donc oui, je ne sais pas vous dire combien de fois par mois, mais je retire souvent de l'argent".

Dès lors, notre témoin estime que "c'est du vol de leur part. Dire qu'ils ont des comptes gratuits, c'est presque de la publicité mensongère". Passer à un compte payant chez Crelan pour bénéficier des retraits gratuits ? "Non, ça n'est pas normal, si on n'a pas un million d'euros sur notre compte, on n'est rien du tout pour les banques !"

Changer de banque ? "J'y ai pensé, mais vu les difficultés financières dans lesquelles je suis pour l'instant, je vais devoir rester".

Que répond Crelan ?

La banque Crelan nous confirme qu'elle a envoyé une communication à certains clients cette année à tous ceux qui avaient un "compte Crelan Basic (seulement 10% des comptes), c'est un compte à vue gratuit qui offre un service de base pour ceux qui gèrent leurs opérations financières exclusivement en ligne via myCrelan et Crelan Mobile", nous a expliqué le porte-parole de la banque :

Il y est expliqué, entre autres changements, que "les retraits aux distributeurs de tiers (autres banques) pour ce compte spécifique sont payants (0,50 euro) depuis le 14 juin ; les retraits à nos propres distributeurs restent gratuits".

Pourquoi un tel changement ? "Il y a des frais liés aux retraits aux distributeurs de tiers pour la banque. Il n’est donc pas logique que ce service reste gratuit pour le compte Crelan Basic", nous répond très sincèrement la banque.

Crelan est une banque un peu différente des autres, "une banque coopérative dans laquelle les clients peuvent participer comme actionnaires en achetant des parts coopératives CrelanCo. Les actionnaires bénéficient de certains avantages. Comme banque coopérative, nous trouvons la durabilité très importante et nous soutenons des initiatives diverses de contribution à la société dans laquelle nous sommes actifs (entre autres par la Crelan Foundation, les chaires universitaires, la collaboration avec MiiMOSA…)". Le réseau compte environ 500 points de contacts ou agence dans le pays, "nous sommes une banque saine et solide", conclut le porte-parole.

L'utilisation d'argent liquide a fortement baissé en 2020, et ça va s'accélérer

Nous avons contacté Febelfin, la Fédération Belge du secteur Financier. Elle nous confirme ce qu'on l'on constate depuis quelques mois: "Les Belges utilisent davantage les paiements électroniques et de moins en moins l’argent cash pour payer. On assiste notamment à une augmentation des paiements sans contact. Aujourd’hui, un paiement par carte sur 2 se fait sans contact. Et à côté du paiement par carte, il y a aussi de plus en plus la possibilité de payer avec son smartphone dans les commerces ou entre particuliers, comme par exemple avec l’application Payconiq", ou via l'option Bancontact des applications bancaires.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes: en 2020, face à la pandémie qui a poussé de nombreux commerces ou institutions à refuser l'argent liquide pour privilégier le paiement par carte (et sans contact jusque 50€), le nombre de retraits aux distributeurs a drastiquement chuté. On est passé, hors bpost dont Febelfin n'a pas les chiffres, de 240 millions de retraits à un distributeur en Belgique en 2019, à 153 millions en 2020, soit une diminution de -36% en seulement un an !

Forcément, les autres chiffres suivent. Le nombre total de distributeurs en Belgique est passé de 7.460 en 2019 à 6.411 en 2020 (-14%). "Pour les distributeurs, c’est la même chose. Le réseau, même s’il diminue, est encore important en Belgique. On compte en effet 6411 distributeurs exploités par les banques, ce qui, par habitant, nous place dans la moyenne européenne". Il y a dans notre pays 554 distributeurs par million d'habitants. C'est nettement moins que le Portugal (1.330), mais nettement plus que les Pays-Bas (139) :

Que font les autres banques ?

On a contacté quelques autres banques pour connaître leur politique en matière de retrait aux distributeurs, et les réponses sont très variables, et elles évoluent d'année en année. Compte gratuit ou payant, nombre limité ou illimité de retraits, dans les appareils de la banque ou dans les autres… c'est vraiment du cas par cas. Avant d'entrer dans le détail, sachez que les choses s'apprêtent à changer dans les années à venir. "Nous travaillons avec les 3 autres grandes banques (KBC, Belfius, ING) sur une plateforme commune de distributeurs de billets", explique Valéry Halloy, du service de communication de BNP Paribas Fortis. Il s'agit du projet Batopin, qui vise à remplacer tous les distributeurs de ces banques (73% de l'ensemble des distributeurs en Belgique) par une version commune et simplifiée. Avec la clé, moins de dépenses individuelles en développement et en maintenance. Selon Le Soir, ces 5.000 distributeurs ne seraient cependant remplacés que par "2.000 à 2.400 automates neutres sur 650 à 750 sites, dans un rayon de maximum 5 km autour du domicile pour 95% de la population". Contestés par les bourgmestres des communes isolées, ces chiffres pourraient évoluer. Le remplacement doit avoir lieu entre 2021 et 2024. Quoi qu'il en soit, la généralisation de Batopin va sans doute, à nouveau, rebattre les cartes des tarifs décrits ci-dessous…

Commençons par BNP Paribas Fortis, l'historique banque 'belge'. La situation est simple: "Depuis le 1er janvier 2021, les retraits d’argent en euro aux distributeurs BNP Paribas Fortis et non BNP Paribas Fortis en Belgique et dans la zone EEE (Europe) sont gratuits pour les détenteurs d’un compte à vue ordinaire". Il s'agit donc autant des comptes payants (les packs Comfort et Premium) que du compte gratuit pour les moins de 28 ans (Hello4You). Ce n'était pas tout le temps gratuit, ça l'est devenu, beau geste de BNPPF.

Concernant Belfius, "les retraits avec carte de débit Bancontact/Maestro sont toujours gratuits sur nos automates propres (y compris les automates de Batopin), quelque soit le compte utilisé", nous signale le service de communication. Pour les pack payants (Comfort Red, Comfort Gold), il n'y a pas de frais si on utilise un distributeur d'une autre banque. En revanche, pour ceux ayant opté pour le pack gratuit (Pulse), soit les clients sans frais mensuels, ils devront débourser, comme Laurent, 50 centimes pour chaque retrait à un distributeur autre que ceux de Belfius (il y en a déjà plus que chez Crelan, cependant).

Passons à ING, où le même genre de formule s'applique. Les clients du 'compte Vert ING' (4,5€ par mois) ne doivent jamais payer pour retirer de l'argent. Les clients du Lion Account (1,9€ par mois à partir de 26 ans, gratuit avant) "reçoivent trois retraits gratuits par mois, à des distributeurs ING et non-ING ; ce qui couvre plus de 90% des besoins de ces clients", nous explique la communication de la banque d'origine néerlandaise. Au-delà de ces trois retraits, il faudra, là aussi, débourser 50 centimes par retrait dans un distributeur non ING.

Quant à CBC, ils ont la même formule que BNP: retirer de l'argent, c'est gratuit pour tout le monde, quel que soit votre abonnement (le 'Plus' payant ou le 'Pure Online' gratuit) auprès de la banque belge. Cette gratuité est valable également pour les distributeurs non CBC dans l'Europe. Il y a une exception: ceux qui ouvrent un compte à vue 'Service bancaire de base' (un autre compte gratuit) devront "payer 0.20€ à partir de la 37eme opération (uniquement pour un retrait au distributeur d’autres banques)", précise le service de communication.

La banque belge orientée 'investissement' Keytrade ne fait jamais payer de frais de retrait pour tous ceux qui y ont un compte à vue (qui par ailleurs, est gratuit).

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