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A l'Opéra, des jeunes révisent leurs classiques avec "Oedipe"

Certains ont trouvé l'histoire "ouf", d'autres ont été impressionnés par la mise en scène "cool": 85 ans après sa création à l'Opéra de Paris, l'opéra "Oedipe" est ressuscité face à un jeune public intrigué, lors de l'avant-première réservée aux moins de 28 ans.

Unique opéra du compositeur roumain George Enesco (Enescu en roumain) --inspiré de la célèbre pièce de Sophocle sur le roi légendaire de Thèbes qui découvre qu'il a tué son père et épousé sa mère--, l'oeuvre acclamée à sa création en 1936 et tombée dans l'oubli après la guerre, a réveillé quelques souvenirs parmi l'assistance.

"Ca m'a rappelé la terminale!" s'exclame une jeune spectatrice à la fin du spectacle de trois heures monté par le dramaturge et metteur en scène Wajdi Mouawad, qui fait ses débuts à l'Opéra. Des spectateurs sont étonnés que le livret, écrit par Edmond Fleg, soit en français --"je pensais que les opéras étaient juste en italien ou en allemand"--, d'autres avaient oublié qu'Antigone était l'une des deux filles d'Oedipe.

- "Gore" et "humaniste" -

Pour un public né à l'époque de "Game of Thrones" et du "Seigneur des Anneaux", l'histoire de parricide et d'inceste reste certes un peu "gore" ("quand ça a commencé avec le viol, j'étais en mode choc", murmure un jeune spectateur), mais non dénuée d'intrigue et de tableaux frappants, notamment la rencontre entre Oedipe et la Sphinge qui lui demande de résoudre l'énigme.

Pour expliquer la malédiction qui frappe le héros --interprété avec brio par le baryton britannique Christopher Maltman--, Wajdi Mouawad a écrit un prologue sans musique où il relate comment Laïos, père d'Oedipe, avait dans sa jeunesse violé un enfant, puis se marie avec Jocaste qui enfante Oedipe, défiant ainsi l'oracle qui lui interdisait toute descendance, sous peine de se faire tuer par son fils.

"Oedipe a l'âge de ces jeunes quand il devient roi de Thèbes", relève Wajdi Mouawad dans un entretien à l'AFP. "Il y a la peste qui frappe la ville et le dieu dit : +Si vous voulez que ça s'arrête, il faut élucider le meurtre de Laïos+. Oedipe va insister pour connaître la vérité, et découvre que c'est lui le coupable. En termes d'intrigue, c'est intéressant", affirme M. Mouawad, directeur du Théâtre de la Colline.

"Oedipe accepte de regarder la vérité en face; ça demande du courage", dit-il, évoquant "la faiblesse des hommes politiques qui font le contraire".

"Sophocole écrivait ses tragédies à un moment où la démocratie venait de naître et il mettait en garde contre ses difficultés", ajoute le metteur en scène, qui a fui, enfant, son Liban natal en pleine guerre civile avant de s'installer au Canada puis en France.

- "Pas une ride" -

Au-delà des souvenirs scolaires et du suspense, l'histoire touche les spectateurs selon lui car Oedipe "est dépositaire d’un héritage qui n’est pas le sien et qui le rend à la fois coupable et innocent".

Pour Alexander Neef, directeur général de l'Opéra dont il s'agit de la première commission depuis sa prise de fonction en septembre 2020, le mythe d'Oedipe a "2.500 ans et n'a pas pris une ride".

Il explique avoir voulu démarrer la saison avec une oeuvre "très Opéra de Paris" mais aussi avec un "message universel", notamment après la période de bouleversements causés par la pandémie de Covid-19.

"L'Opéra n'est pas un musée. Pour faire revivre (les oeuvres du passé), nous avons besoin d'artistes du XXIe siècle" comme Wajdi Mouawad qui selon lui écrit "des tragédies grecques modernes".

Le dramaturge entre pour la deuxième fois dans le monde de l'opéra, qu'il trouve "très hiérarchisé" et où "les équipes sont surprises qu'un metteur en scène prenne la peine d'expliquer l'histoire".

Un monde qui lui offre aussi "beaucoup de moyens" mais "très peu de temps pour répéter" en comparaison au théâtre. "C'est comme si on me donnait de très belles chaussures avec une taille 36 alors que je chausse du 42", plaisante-t-il.

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