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Avec le cas de Kate Middleton, Betty a découvert l'hyperémèse gravidique, dont elle a souffert quand elle était enceinte: "Ma joie fut immense"

Une dizaine d'années plus tard, Betty a pu mettre un nom sur la terrible expérience qu'elle a vécue. L'hyperémèse gravidique, mal connue, qui est une forme sévère des vomissements de la grossesse.

Betty a vécu trois grossesses extrêmement difficiles aux débuts des années 2000. La première n'a d'ailleurs pas pu aboutir. Des événements traumatisants auxquels cette mère de famille, par ailleurs sourde, n'a trouvé d'explications qu'une quinzaine d'années plus tard avec la médiatisation de l'hyperémèse gravidique (hyperemesis gravidarum) dont a souffert la princesse Kate Middleton. Aujourd'hui, Betty veut sensibiliser le public à cette maladie qui fait vivre "une horrible grossesse", écrit-elle via le bouton orange Alertez-nous.

Du jour au lendemain, Betty s'est mise à vomir 30 à 40 fois par jour

En 2000, Betty avait 28 ans lorsqu'elle est tombée enceinte pour la première fois. Après 7 semaines de grossesse, sa vie a basculé d'un jour à l'autre lorsqu'elle a commencé à vomir. Des vomissements dits "incoercibles", qu'elle ne pouvait pas contrôler donc, jusqu'à 30, 40 fois par jour. Betty explique cela par le développement d'une hypersensibilité qui a affecté ses sens. La lumière, le moindre contact, le moindre bruit ou musique, lui sont devenus insupportables. La production excessive de salive lui donnait un goût d'aluminium en bouche. Sa sensibilité aux odeurs se trouvait décuplée, "comme celle d'un chien de chasse", dit-elle. Betty ne pouvait plus supporter l'odeur de sa maison de Grâce-Hollogne, imprégnée par la fumée des cigarettes de son mari. "J’ai dû la quitter pour vivre chez mes beaux-parents ou chez mes parents", raconte-t-elle.

Nausées, chute de tension, hypersalivation sont des symptômes habituels de la grossesse, souligne le Professeur Frédéric Debiève, gynécologue-obstétricien aux Cliniques Universitaires Saint-Luc. "Mais on parlera vraiment d’hypermesis gravidarum une fois qu’on aura exclu toutes les causes médicales", dit le Professeur qui donne pour exemple de cause médicale le dysfonctionnement de la thyroïde, exacerbant les nausées et les vomissements. Selon lui, l'hypermémèse gravidique, c’est "quand les nausées ne sont plus gérables et que cela nécessite une hospitalisation".

Son traitement s'avérant inefficace, Betty a été hospitalisée

Dans un état déplorable, Betty n'a pas tardé à appeler sa gynécologue, qui lui a prescrit "des médicaments banals pour les nausées des femmes enceintes", raconte-t-elle. Ils sont restés sans effet. "Le traitement de ces nausées et de ces vomissements est parfois un peu difficile puisqu’on n'en connait pas très bien leur mécanisme. Donc la plupart du temps on va essayer de traiter avec des médicaments 'soft'", explique le Professeur Debiève. Autre option, "des médicaments qui vont accélérer la motilité de l’estomac, pour évacuer l’estomac le plus vite possible", poursuit le Professeur. Si rien n'y fait. "Dans un très petit pourcentage de cas", dit-il, l'hospitalisation est nécessaire .

Incapable d'avaler ou de boire quoique ce soit, Betty a perdu 8 kilos en un mois, précise-t-elle. Déshydratée, elle a dû être hospitalisée pendant trois jours à l'hôpital public de Liège, où elle a été mise sous perfusion. "On va devoir donner des vitamines par voie intraveineuse et mettre son estomac complétement au repos", explique le Professeur Debiève. Pour Betty, ce ne fut "pas assez pour (la) remettre en forme", regrette-t-elle.

J’étais claquée, je n’avais plus de force, le moral à plat

Dans un état permanent de faiblesse, les conséquences sur le plan professionnel, social, familial n'ont pas tardé. Betty a dû arrêter son travail d'éducatrice spécialisée à la septième semaine d'aménorrhée (l'absence de menstruation). À la maison, les tâches ménagères sont devenues impossibles. Betty n'était plus en mesure ni de cuisiner, à cause de son hypersensibilité aux odeurs, ni de nettoyer puisqu'elle tenait "à peine debout". "J’étais claquée, je n’avais plus de force, le moral à plat. Je ne comprenais pas ce qu’il m’arrivait".

Betty incomprise par le psychologue et la plupart de ses proches

La gynécologue l'a redirigée vers un psychologue, qui a expliqué ses vomissements par une "peur de devenir une mauvaise mère, de ne pas être à la hauteur". "La psychologue ne faisait que de me rabaisser et me culpabilisait", déplore Betty. "Ce genre d'explications psychologiques sont encore souvent données à ces patientes", regrette Soumaya Erkan, de l'Association de lutte contre l’hyperémèse gravidique. "Quand on ne sait pas ce que c’est; on dit toujours que c’est psy", regrette le Professeur Debiève. D'après lui, c'est plutôt l'inverse qui se passe : l'état de la patiente engendre des difficultés psychologiques. "Parce que les nausées sont tellement importantes, elles sont tellement démunies, parce que c’est vrai qu’on est démuni au niveau du traitement", explique-t-il.

À quelques rares exceptions près, les proches de Betty ne comprenaient pas non plus la gravité de son état, et notamment son mari. "C’était ça le pire, confie-t-elle. Je me sentais seule, incomprise". "Il ne faut pas oublier que pendant ce temps-là, il y a une vie à mener, souvent un mari, d'autres enfants, un travail. Ce package sociétal ne comprend absolument pas ce qui nous arrive, raconte Soumaya Erkan, qui a aussi vécu l'hyperémèse gravidique. Pour survivre et survivre aussi aux réflexions de l'entourage, de nombreuses femmes ont recours à l'IVG".

"Mon bébé Eva était morte in utero"

Dans le cas de Betty, après 7 mois et demi de grossesse, elle a senti que son bébé ne bougeait plus. "Mon mari et moi, nous sommes allés vite aux urgences et en effet, mon bébé Eva était morte in utero", raconte-t-elle. "C'est quelque chose qui arrive, et qui m'est arrivé", confie également Soumaya Erkan. "Ça peut être en lien avec l'hyperémèse gravidique", affirme-t-elle. De son côté, sans connaître les cas de Betty et Soumaya, le Professeur Debiève dit qu'il n'y a pas de lien entre l'hyperémèse gravidique et la mort in utero d'un bébé.

Une fois que Betty a accouché, tous ses symptômes ont disparu. Plus de nausées ni de vomissements. Mais la perte de son bébé l'a rendue dépressive.

Betty a donné naissance à deux enfants, mais conservé un sentiment de culpabilité

Les années qui ont suivi, Betty a vécu deux grossesses tout aussi pénibles, avec des issues heureuses : la naissance d'Elisa, puis Francesco. La 3e grossesse a été particulièrement compliquée puisque Betty n'était physiquement pas capable de s'occuper de son premier enfant. Et Betty a dû quitter une nouvelle fois son domicile, insupportée par l'odeur. "Mon mari me disait sans arrêt que je les avais abandonnés", déplore-t-elle, amère.

"La culpabilité me rongeait énormément à l'intérieur", confie Betty. Un sentiment qu'elle a gardé pendant de longues années. "Je ne vois pas une seule femme qui souffre de l'hyperémèse gravidique et qui ne se dit pas que c'est de sa faute. Pourquoi elle et pas une autre ? Quand on voit à côté les grossesses qui se passent bien, on se demande ce qu'on fait de mal", raconte Soumaya. Les deux femmes évoquent une récente étude scientifique selon laquelle l'hyperémèse aurait une origine génétique.

Le cas de Kate Middleton, une révélation pour Betty

En 2017, Kate Middleton fait la Une de la presse people pour sa troisième grossesse. La duchesse souffre de vomissements incoercibles comme lors de ses deux précédentes grossesses. C'est à cette occasion que Betty lit pour la première fois, dans un article sur internet, le terme médical "hyperémèse gravidique". Une maladie dont tous les symptômes lui rappellent ce qu'elle a vécu par trois fois. "Ma joie fut immense quand j'ai découvert ma vraie maladie, et de voir que je n'étais pas la seule à en avoir souffert", confie-t-elle.

Il faudrait que les professionnels de santé acceptent l'état de ces femmes et arrêtent de dire qu'elles exagèrent

Le Professeur Debiève ignore cet épisode et estime que l'"hyperémèse gravidique" est la maladie "la plus connue de la grossesse" depuis bien longtemps. "C'est peut-être une des plus connues mais c'est une des choses les moins bien prises en charge et les moins accompagnées, réagit Soumaya Erkan. Pour une meilleure prise en charge, il faudrait déjà que les professionnels de santé acceptent l'état de ces femmes et arrêtent de dire qu'elles exagèrent".

Enfin sereine, Betty apporte son soutien à d'autres

Depuis que Betty a posé elle-même un diagnostic sur le mal qui l'a affectée pendant ses trois grossesses, la mère de famille se sent beaucoup mieux, "plus épanouie et plus libre". Son couple n'a pas survécu à ces épreuves, mais ses deux enfants, ses "trésors", comme elle les appelle, se portent bien. Aujourd'hui, Betty, 49 ans, soutient d'autres femmes qui traversent la même épreuve via le groupe Facebook de l'Association de lutte contre l’hyperémèse gravidique . Betty et Souraya soulignent que celles-ci se sentent toujours incomprises à l'heure actuelle. "L'association existe pour leur donner la possibilité d'accéder à des praticiens 'HG friendly', qui connaissent la maladie et sont d'accord pour les soigner". Puisqu'il s'agit d'une association française, Betty appelle de ses vœux la création de son pendant belge.

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