Accueil Actu

A la tête des marins-pompiers de Marseille, l'amiral tous risques

A Marseille, après avoir sillonné les mers du monde, le contre-amiral Augier, chef des marins-pompiers, regarde toujours au loin pour anticiper des risques encore invisibles. Quitte à bousculer. Comme quand il a commencé à traquer le Covid dans les égouts.

La deuxième ville de France accueillera du 13 au 16 octobre le congrès national des pompiers. A Marseille, ces derniers ont un statut de militaires, un héritage historique, quand l'Etat avait mis la ville sous tutelle en 1938, après un incendie aux Nouvelles Galeries qui avait fait 73 morts.

Aujourd'hui, "on est organisé comme une légion romaine: on reconstitue la première ligne tout le temps, donc on est capable de faire face à un incendie et en même temps à un attentat", raconte à l'AFP l'amiral de 55 ans, aux petites lunettes arrondies, qui dirige ce bataillon de 2.500 femmes et hommes depuis deux ans.

Ils interviennent sur des feux de forêt, des inondations, dans des immeubles dégradés de la grande ville la plus pauvre de France ou des cités où certains médecins ne veulent plus aller.

"Marseille c'est passionnant, j'aime les frontières, cette ville ouverte sur le monde où on sent de l'énergie. Il y a des difficultés mais plein de choses à faire", lance l'amiral.

Face à des services publics locaux souvent jugés défaillants, le bataillon fait la fierté des Marseillais.

Patrick Augier le dirige comme un navire: "Le vrai commandant doit regarder devant ce qu'on ne voit pas encore" car "on doit être capable d'agir dans la sidération".

Lui a navigué en passant tous les caps du monde, en tant qu'ingénieur atomique puis ingénieur en chef de sous-marins nucléaires d'attaque.

Il était sur le porte-avions Charles-de-Gaulle en patrouille au large de l'Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001 qui firent des milliers de morts aux Etats-Unis ou sur le porte-hélicoptères Jeanne d'Arc, "une expérience intime".

Ce porte-hélicoptères, il l'avait en poster au-dessus de son lit quand il était jeune. Il en a été le dernier commandant en 2009. Depuis, il ne met plus un pied sur un "navire gris", ceux de la Marine.

- Innover, toujours -

"C'est quelqu'un qui est toujours en train de chercher à améliorer, à innover et à ne pas rester sur des schémas établis", rapporte l'amiral Jean Casabianca, ex-major général des armées, qui a eu Patrick Augier à plusieurs reprises sous ses ordres.

"Il change de l'ordinaire, par contre il faut le suivre", plaisante Michèle Rubirola, éphémère maire écologiste de Marseille devenue première adjointe chargée de la santé.

Leur étroite collaboration pendant la crise sanitaire "s'est passée de manière idéale", dit celle qui "n'aime pas les béni-oui-oui".

"Quand on a vu les Français évacués de Wuhan (Chine) arriver sur le tarmac de l'aéroport de Marseille en janvier 2020, on s'est dit qu'il fallait faire quelque chose. On a commencé par refuser de donner nos masques à la Chine comme on nous l'ordonnait et on a reconstitué nos stocks", raconte-t-il.

Il achète des masques dans la rue, à l'étranger: "Un masque est un masque et le bataillon n'en a jamais manqué".

Puis, en examinant les chaînes de contamination à bord du Diamond Princess, paquebot de croisière où la quarantaine imposée par le Japon avait tourné au désastre avec plus de 700 contaminations, arrive la piste des eaux usées.

Car le coronavirus peut être détecté dans les selles quatre à sept jours avant l'apparition des symptômes. Il contacte une start-up marseillaise pour mettre au point un test efficace et analyser les eaux des égouts "pour aller chercher les cas positifs où ils sont".

Il travaille alors main dans la main avec l'IHU Méditerranée Infection de Didier Raoult. S'il se garde de tout jugement sur le professeur controversé, l'amiral estime que "l'IHU a été une machine de guerre" contre le Covid-19 dès le début de l'épidémie, se souvenant des centaines de mètres de queue devant l'institut qui était un des premiers à proposer des tests.

Aujourd'hui, cette méthode des eaux usées est reprise ailleurs et pourrait resservir pour suivre d'autres épidémies.

L'amiral a aussi doté chaque équipage d'une tablette qui permet à un hôpital d'obtenir le dossier d'un patient avant même que celui-ci lui soit déposé et mis en place un laboratoire mobile de biosécurité (P3).

Dernière innovation en date: le test cet été d'un ballon dirigeable pour détecter au plus tôt tout départ de feu dans les calanques au bord de la Méditerranée.

À lire aussi

Sélectionné pour vous