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Prix de l'électricité: dans la dernière usine de zinc, la production en sursis

Chez Nyrstar, seul fabricant de zinc en France, à Auby (Nord), la gestion de la production se fait désormais à la petite semaine, au gré des variations du coût de l'électricité, dont la flambée menace de mettre les machines à l'arrêt.

Pour l'heure, sous la grande halle, dans des piscines de 60 mètres de long remplies de sulfate de zinc liquide et traversées par le courant électrique, le ballet de cathodes suit son cours jour et nuit. Dans 40 heures, ces grandes plaques ressortiront de l'électrolyse recouvertes du zinc ainsi obtenu.

Le directeur de l'usine, Xavier Constant, sait que la production va continuer jusqu'au 16 janvier. Mais "pour la semaine suivante, on n'a pas de visibilité. On raisonne d'une semaine à l'autre".

Si le prix de l'électricité flambe à nouveau, la grande halle sera mise à l'arrêt. Car avec ses 82 mégawatts, l'usine d'Auby représente 10% de la puissance d'une centrale nucléaire, et consomme autant qu'une ville comme Lyon ou la Métropole de Lille.

Derrière l'usine, dans le bourdonnement des transformateurs, deux lignes à très haute tension alimentent directement le site en 225.000 volts.

- "Niveaux jamais connus" -

"Pour un atome de zinc, il faut deux électrons. C'est la chimie, c'est immuable", résume Xavier Constant. Pour produire annuellement 170.000 tonnes de zinc, l'usine consomme 730 GWh.

"Ces derniers temps, les prix se sont envolés à des niveaux que je n'ai jamais connus dans ma carrière", témoigne Eric Brassart, directeur général de Nyrstar France.

De 40 euros il y a quelques années, le prix moyen du MWh sur une journée a dépassé les 400 euros avant Noël, avec des pics horaires à plus de 600 euros.

Nyrstar décide alors de stopper la production pour deux mois, dès début janvier. "Plus l'électricité va être chère, plus ça va impacter vos coûts, jusqu'au moment où vous perdez le seuil de rentabilité", explique Eric Brassart.

Mais "entre Noël et le nouvel an, il a fait doux, avec du vent et beaucoup de production éolienne en France et en Allemagne", ajoute Xavier Constant. Les prix se sont assagis. Ils flirtent actuellement avec les 230 euros.

"On n'a pas hésité une seconde, on a acheté des blocs pour faire tourner l'usine une semaine. Cette semaine, on a renouvelé l'opération pour la semaine prochaine", explique le directeur de l'usine.

- "400 usines impactées" -

"C'est la première fois que l'on doit prendre cette décision depuis la création de notre électrolyse en 1975. C'est une situation exceptionnelle", souligne-t-il. Pour l'instant, "on perd moins d'argent en continuant à produire qu'en arrêtant. Mais on en perd quand même".

"Si on perd de l'argent sur le long terme, l'activité ne pourra pas continuer", s'inquiète Eric Brassart. "Mais ce n'est pas une problématique propre à Nyrstar. Ce sont les 400 usines électro-intensives qui sont impactées en France".

Lesquelles craignent un désavantage qui perdure, face à la concurrence internationale. "Finlande, Norvège, Canada, Brésil: tous ces gens là paient le courant électrique entre 30 et 50 euros le MWh" pour produire leur zinc, note Xavier Constant.

Il déplore la surchauffe d'un marché de l'énergie devenu européen, relevant "la flambée des prix du gaz, sur lesquels le prix de l'électricité est indexé", "la faible disponibilité historique des réacteurs nucléaires français" cet hiver obligeant le pays à importer, ou encore un mécanisme Arenh (pour "accès régulé à l'électricité nucléaire historique") qui fournit des MWh aux industriels au prix fixe de 42 euros, mais dont la disponibilité s'est réduite "à peau de chagrin".

Si la production doit s'arrêter, l'emploi des 300 salariés du site serait maintenu sur des activités de maintenance, des formations ou des réaffectations sur d'autres installations du site. Mais selon Nyrstar, la France devrait alors importer du zinc indien ou chinois, "à l'empreinte carbone beaucoup plus importante".

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