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"Watchmen", les super-héros qui confrontent l'Amérique à ses démons passés et présents

Inspirée d'un comic-book des années 1980 mais on ne peut plus actuelle, la série "Watchmen", qui a triomphé aux Emmy Awards, mêle super-héros violents et satire politique pour mieux mettre la société américaine face à son passé raciste et aux démons qui la déchirent.

Avec onze récompenses à leur actif, les auteurs de la série ont profité dimanche soir de leur quart d'heure de gloire pour revenir sur les traumatismes historiques et les injustices sociales qui minent toujours les Etats-Unis, tout en laissant la porte ouverte à une éventuelle suite à la mini-série HBO.

"Watchmen" s'ouvre sur le massacre racial de Tulsa en 1921, un événement bien réel durant lequel au moins 300 habitants d'un quartier noir - surnommé "Black Wall Street" en raison de sa prospérité - de cette ville de l'Oklahoma ont été tués par des émeutiers blancs, avec la complicité voire les encouragements des autorités locales.

La plupart des Américains ignoraient ce sinistre épisode, quasiment absent des livres d'histoire.

"Lorsque le show a débuté en octobre, ce n'était pas le mot +Watchmen+ qui était tendance sur Twitter, mais +Black Wall Street+ ou +massacre de Tulsa+", a déclaré à la presse le scénariste de la série, Damon Lindelof.

"Ca ne faisait que montrer à quel point les gens sont avides de découvrir ces bouts d'histoire manquants. Il faut juste réussir à trouver des façons un peu en dehors des sentiers battus pour les leur raconter", estime-t-il.

La série se déroule dans l'histoire alternative imaginée par Alan Moore et Dave Gibbons pour la bande dessinée "Watchmen" dans les années 1980. Dans cet univers, les super-héros sont bien réels mais trop souvent des justiciers violents et sans scrupules, voire des sociopathes d'extrême droite se cachant derrière un masque et la bénédiction des autorités pour assouvir leurs pulsions.

Selon les spécialistes, le livre d'origine, qui figure dans la liste des cent meilleurs ouvrages modernes en langue anglaise établie par le magazine Time, a fortement contribué à asseoir la popularité et la crédibilité artistique des romans graphiques. Il a fait l'objet d'une adaptation au cinéma en 2009.

Prise de conscience dérangeante

La mini-série HBO a créé une nouvelle histoire inspirée de cet univers sombre et chaotique en continuant à explorer ses sujets de prédilection, comme les brutalités policières et les discriminations raciales.

Outre la destruction du "Black Wall Street" de Tulsa, un épisode de "Watchmen" dépeint par exemple comme un jeune policier noir du New York des années 1930 échappe de justesse à un lynchage avant de se retrouver aux prises avec une société secrète au sein des forces de l'ordre.

Autant de thèmes qui sont cruellement au coeur de l'actualité américaine depuis des mois et qui le resteront au moins jusqu'à l'élection présidentielle du 3 novembre.

"Les policiers ne doivent toujours pas rendre de comptes", a déploré dimanche Regina King, sacrée meilleure actrice avec "Watchmen". Elle portait pour l'occasion un t-shirt à l'effigie de Breonna Taylor, une Américaine noire tuée par la police et devenue un symbole du mouvement "Black Lives Matter".

"Elle représente des décennies, des centaines d'années de violence pure et simple contre les corps noirs", a expliqué l'actrice afro-américaine.

"Les choses que nous explorions, que nous montrions dans +Watchmen+ (...) ça semblait approprié de les représenter avec Breonna Taylor", a dit Regina King.

Pour Yahya Abdul-Mateen II, Emmy Award du meilleur second rôle, la mini-série a été une prise de conscience "dérangeante pour de nombreuses personnes".

"Watchmen" a beau avoir été primée en tant que "mini-série", une suite à ses neuf épisodes n'est plus complètement inenvisageable après ce succès aux Emmys.

Damon Lindelof a invité dimanche "tous les artistes qui le souhaitent à prendre le relais", se disant très curieux de voir ce qu'une suite pourrait donner mais excluant de s'y impliquer lui-même.

"Ca ressemblerait à une énorme trahison de gagner pour une mini-série et de revenir", a insisté l'auteur.

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