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Dominique ne peut plus bénéficier de l'ascenseur de son immeuble: la locataire doit-elle payer les réparations?

Dominique ne peut plus bénéficier de l'ascenseur de son immeuble depuis plusieurs mois. Le propriétaire lui réclame de l'argent pour les réparations. Quels sont les droits de cette locataire ? Peut-elle refuser de payer le montant demandé ?

Dominique vit depuis 4 ans dans un appartement à Charleroi. Dans son immeuble, l'ascenseur n'est plus utilisable, ce qui lui pose des problèmes au quotidien. "Ce n’est pas possible pour moi de tout le temps monter les escaliers. Je n’en peux plus. Je n’ai presque pas utilisé cet ascenseur depuis que je vis ici. J’en ai vraiment besoin. Je paie et je n’ai rien. Ce n’est plus possible", confie-t-elle, après avoir contacté notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous.

"On est tous locataires, on doit tous payer 50 euros de charges et rien ne se fait. Il y en a qui habitent au 6e étage. Quand ils doivent monter à pied, ce n’est pas évident. Je suis au 1er étage, mais ça n’est pas évident pour moi non plus."

Avertie de cette situation, l’agence immobilière sociale de Charleroi en charge de son logement, lui réclame de l’argent pour la réparation de l’ascenseur. 

Dominique ne comprend pas pourquoi en payant des charges chaque mois, elle doit en plus participer financièrement aux réparations. "Je paie des charges qui comprennent notamment l'entretien de l’ascenseur, le nettoyage, la lumière des escaliers, l’entretien des chaudières… J'ai téléphoné à mon propriétaire pour lui dire que j’ai besoin de cet ascenseur car je ne sais presque plus marcher", ajoute-t-elle. "Le propriétaire me réclame deux montants pour réparer l’ascenseur. Si l’ascenseur tombe en panne, la moindre des choses est de faire quelque chose. Je n’ai pas encore payé les 116 euros demandés."

Selon l’agence immobilière sociale de Charleroi, des démarches ont été entreprises auprès d’une société de maintenance. "En août dernier, la société a refusé d'intervenir en raison de l'intrusion de squatteurs dans l'immeuble (...). Actuellement, les propriétaires s'efforcent d'organiser un rendez-vous avec la société, mais sont confrontés à des délais imposés par les intervenants extérieurs", explique Anaïs Dalne, la directrice de l'agence immobilière.

Et l’agence a bien réclamé une somme pour la réparation de cet ascenseur, mais sous l’ancienne direction. "Dans cette situation, il semblerait qu'il s'agisse de dommages locatifs causés à l'ascenseur, sans qu'une responsabilité claire n'ait été établie parmi les locataires", conclut Anaïs Dalne.

Le propriétaire peut-il réclamer ce montant ? Le locataire peut-il le refuser ? 

Gilles Oliviers, avocat en droit immobilier, rappelle les règles en vigueur.

Le locataire a tout d'abord droit à "la jouissance paisible" de l’ensemble de son logement, en ce compris le fonctionnement de l’ascenseur. "S’il ne l’a pas, il doit aller se plaindre auprès de son propriétaire. Il doit lui écrire une lettre. C’est une mise en demeure dans laquelle, il lui dit ce qu’il veut", indique l'avocat.

Si le bailleur ne réagit pas, "le locataire doit envoyer une deuxième lettre et dire "comme vous ne réagissez pas et comme vous avez l’obligation de me donner cette jouissance paisible, je vais tout simplement diminuer mon loyer à un certain pourcentage". Une fois que c’est fait, il faudra que le bailleur ou le locataire aille saisir le juge de paix pour lui demander de trancher cette question : est-ce raisonnable ou pas ?".

Que faire si le propriétaire ne répond toujours pas aux premières demandes d'un locataire ?

"Quand le locataire doit aller plus loin, il va introduire une procédure auprès de son bailleur pour demander une indemnité, car il ne jouit pas complètement de son appartement. Et deuxièmement, il peut demander que le bailleur soit condamné à effectuer les travaux, même moyennant des astreintes, soit une somme par jour de retard. Le bailleur peut avoir l’obligation de réparer l’ascenseur dans un délai de 30 jours et s’il ne le fait pas, tous les jours coûtent 50 euros, qui reviennent au locataire.

Le locataire a-t-il de grandes chances de voir son dossier aboutir ?

Gilles Oliviers souligne que les règles de procédure doivent être respectées. "Il faut voir des écrits. Des appels téléphoniques ne suffisent pas car on n’a pas de preuves. Le juge a besoin d’écrits, il ne peut pas vous croire sur parole. Cela peut être des messages SMS ou sur Whatsapp. L’idéal est d'avoir à un moment donné une lettre recommandée comme ça, on acte les problèmes. Ensuite, il faut être un peu patient. Il est évident que si on a un problème de plomberie, d’ascenseur ou autre et qu’on le signale à son bailleur, il y a un délai raisonnable."

Qu'entend-on par un délai raisonnable ? 

"Si ce délai raisonnable est dépassé, le locataire peut se plaindre. Il pourrait faire l’action auprès du juge de paix. Il pourrait faire l’action judiciaire en faisant une requête. Mais il pourrait aussi faire une action en conciliation. S’il s’entend bien avec son bailleur et que c’est un incident isolé, il pourrait dire là il ne réagit pas et demande au juge de paix une conciliation. Les deux parties vont devant le juge de paix et trouvent un accord. C’est parfois une bonne solution pour avoir une pérennité de la location. Le délai raisonnable dépend du type de problème. Si on a un problème d’eau chaude ou pas de chauffage en hiver, il est évident que quelques jours est un délai raisonnable. 
Si on est dans les congés du bâtiment, il est plus difficile de faire venir quelqu’un. C’est une interprétation au cas par cas. On est pas du tout dans des délais de 60 jours. Si on parle d’une réparation importante à un ascenseur, il est évident qu’il y a des pièces qui doivent arriver parfois d’autres pays. Là, le bailleur a une plus grande mache de manœuvre."

Payer des charges communes, est-ce suffisant pour refuser de payer l’intervention pour l’ascenseur ? 

"Dans le contrat de bail, il y a deux possibilités d’avoir des provisions. Soit il y a une provision qui se forme car vous payez une somme d’argent tous les mois et à la fin de l’année, on refait un décompte en disant "Je vous dois de l’argent ou vous me devez de l’argent". 

Soit deuxième solution, on parle d’une provision forfaitaire. C’est-à-dire que le montant est un montant fixe qui ne changera pas. Et là, c’est tant pis pour le bailleur, s’il a sous calculé, sous-évalué les charges, et tant mieux pour le locataire. Si ce sont des provisions, comme dans 9 cas sur 10, le locataire ne peut pas dire "Je ne paie pas" pour tout ce qui concerne l’entretien de l’ascenseur. Si en revanche l’ascenseur devient vétuste et qu’il y a des gros travaux à faire, ce n’est pas au locataire à payer, mais au propriétaire à payer. Et tant pis si ça coûte très cher. Cela fait partie de sa location." 

Que se passe-t-il si l'ascenseur a été vandalisé ?

"Il y a 2 hypothèses. On peut imaginer que le vandalisme est lié à ce locataire. Là, il est responsable de ses actes. Deuxième hypothèse, on ne sait pas d’où ça vient. Généralement, dans les contrats d’assurance, il existe une clause vandalisme qui permet à ce que le bailleur ou la copropriété puisse se retourner contre l’assurance en disant qu'on a subi un préjudice et je vous remercie de bien vouloir intervenir. L’assurance va intervenir et on n’inquiète pas les locataires. 

Deuxième cas de figure où il n’y a pas d’assurance, à ce moment-là, le bailleur doit assumer. Sauf s’il peut déterminer que c’est lié à un acte d’un locataire. Normalement, le locataire n’est pas censé intervenir. Concernant l’entretien de l’ascenseur, le locataire intervient. C’est normal, on entretient quelque chose qu’on a loué. En ce qui concerne de grosses réparations, c’est différent. Elles sont à charge du propriétaire. C’est lui qui doit les assumer.  Si c’est une réparation du moteur, c’est pour le propriétaire. Si c’est de l’entretien usuel, c’est le locataire. Le locataire aurait le droit de ne pas payer des charges supplémentaires pour l’ascenseur pour autant que ces charges ne concernent pas l’entretien courant (ce qu’on fait d’habitude pour que l’ascenseur fonctionne). Dès que l’on dépasse quelque chose qui est courant, une grosse réparation, un moteur vétuste, c’est à charge du propriétaire."

Le propriétaire face à un locataire qui se plaint doit en tout cas réagir. "En répondant aux messages ou à une lettre recommandée pour dire ce qu’il fait ou essaye de faire. Et il faut absolument qu’il se déplace. S’il est loin, qu’il mandate quelqu’un pour venir voir sur place. Car parfois ce sont des petites choses qui peuvent se régler facilement. Parfois des choses plus importantes, qui nécessitent peut-être que le bailleur se retourne contre quelqu’un d’autre, car le travail a été mal fait, car le syndic a mal géré, car la copropriété a mal géré."

De son côté, José Garcia, président du Syndicat des locataires, souligne également que le locataire doit payer la réparation de l’ascenseur uniquement si "c’est lui qui volontairement l’a mis en panne". "Le locataire n’a aucune raison de payer la réparation. Seuls les locataires qui commettent du vandalisme doivent payer. Je ne vois pas sur quelle base, le gérant ou le propriétaire peut réclamer à cette locataire différents montants. Le droit est valable pour les tous les types de bailleur. Plus globalement, 30% de locataires qui s’adressent à nous, ont un type de problème comme celui-ci. Avec l’ascenseur ou d’autres troubles de jouissance, comme de l’humidité (sur Bruxelles ou une partie de la Wallonie)." 

 

 

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